vendredi 22 janvier 2010

Presse - Ouest France - 22/01/2010

Commerces victimes du dépôt-piège

Un couple de vendeurs de bijoux fantaisie est poursuivi pour avoir escroqué une centaine de commerçants, dont des Bretons.
Que ce soit à Vannes, Quimper, Lannion ou Saint-Brieuc, le scénario est toujours le même. Ça se passe le plus souvent à l'heure de la fermeture de la bijouterie, mercerie ou chocolaterie... « Un homme ou une femme se présente comme artisan, un peu artiste, créateurs de bijoux fantaisie. Il ou elle propose un dépôt de bijoux de sa fabrication », explique Patrick Elghozi, l'avocat briochin qui défend une quarantaine de commerçants.
Le commerçant, qui n'achète pas, accepte de prendre le lot d'une valeur moyenne de 5 000 €. Seulement le contrat prévoit « qu'après six mois, sans règlement ni retour de stock, le dépôt sera considéré comme vente définitive et facturé ».

Neuf ans d'instruction

La faible qualité des marchandises et son prix élevé rendent difficiles les ventes. Malgré les lettres recommandées du commerçant qui n'arrive pas à écouler la marchandise, le grossiste fait la sourde oreille. Ou alors utilise des stratagèmes pour retarder au maximum la restitution des marchandises dans le délai prévu. Résultat : six mois plus tard, la facture tombe. Le commerçant n'a plus qu'à payer sous peine de poursuites. « Le but pour le couple n'était pas d'écouler la marchandise auprès de la clientèle du commerçant mais de faire en sorte qu'il en devienne lui-même propriétaire. » Le dépôt-vente est une pratique commerciale légale, mais là c'est du « dépôt-piège ».

La plainte déposée par l'avocat briochin auprès du procureur de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), en 2001, débouchera sur les mises en examen du couple pour escroquerie et faux. Après neuf ans d'instruction, l'affaire va enfin être jugée, les 15, 16 et 17 mars, devant le tribunal correctionnel de cette ville où habitent les époux.

Une centaine de plaignants de toute la France les poursuivent. « L'escroquerie porte sur des centaines de milliers d'euros, sans compter toux ceux qui n'ont pas engagé de poursuites. » Ils sont aussi soupçonnés d'avoir fait des dépôts imaginaires. Ils auraient obtenu l'empreinte des tampons de commerçants et leur signature et auraient ensuite imprimé un faux contrat de dépôt.

Comment expliquer que tant de commerçants ont pu se tromper sur leur engagement contractuel ? Devant le juge d'instruction, le grossiste a répondu : « Je pense qu'il s'agit de gens qui sont négligents. Ensuite, sous la pression d'une association (de défense des victimes), ils sont devenus malhonnêtes ».

Jean-Yves HINAULT.
Ouest-France