lundi 15 mars 2010

Presse - La Provence - 15/03/2010

Début du procès, aujourd'hui à Digne, avec plus de 100 commerçants floués

Jusqu'aux victimes qui reconnaissent le caractère audacieux de l'escroquerie. Un trait de génie et une belle dose de culot au service de la malhonnêteté, voilà ce que la justice reproche à Bruno Herpin, 61 ans, jugé jusqu'à mercredi par le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains, en présence d'une centaine de parties civiles, toutes des petits commerçants tenant une boutique de prêt-à-porter, de souvenirs, ou bien une mercerie, un dépôt de presse, un peu partout dans l'Hexagone. À la fin des années 1990, tous avaient cru trouver une source supplémentaire de revenus en acceptant de mettre en dépôt dans leur boutique un lot de bijoux.

Bruno Herpin, prétendu artiste créateur de bijoux fantaisie, leur assurait qu'il n'y avait aucun risque, la marchandise restant sa propriété. Promesse était faite de passer régulièrement pour toucher l'argent des ventes. Les conditions générales du dépôt-vente étaient signées à la hâte, à l'heure de la fermeture du commerce. Souvent, une copie n'était même pas remise au commerçant, au prétexte qu'il ne restait qu'un jeu du document.

Noyée dans les pages, une clause indiquait pourtant que, passé un délai de six mois et, sans retour de la marchandise, celle-ci devenait la propriété du commerçant et serait facturée. Un dépôt piège, selon Me Patrick Elghozi, défenseur d'une moitié des victimes. Après s'être fait oublier pendant six mois, Bruno Herpin présentait alors la facture, 30 000 francs (près de 5000 €) en moyenne. Il assignait ensuite le commerçant devant un tribunal civil ou de commerce. Instrumentalisés, des juges se sont ainsi faits les complices involontaires de la manoeuvre, en condamnant le commerçant à respecter sa signature.

La plupart des juridictions ont cependant préféré attendre l'issue de la quarantaine de plaintes que les victimes, regroupées au sein de l'association "La perle rare", ont déposé entre novembre2000 et octobre 2001, à Digne-les-Bains. Pour mieux plaider sa cause devant les tribunaux, Bruno Herpin fournissait des documents prétendument adressés aux commerçants et retournés frappés d'un "non réclamé, retour à l'envoyeur". Des faux, semble dire le juge d'instruction dignois après la découverte au domicile du couple Herpin, à Mane (Alpes-de-Haute-Provence), d'un tampon portant cette mention.

En 2004, alors que Bruno Herpin et son épouse Michèle avaient été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, ils auraient modifié leur modus operandi. Six commerçants avaient vu la vente de leur commerce entravée et les fonds bloqués du fait d'une opposition émanant de Bruno Herpin pour un soi-disant dépôt-vente de bijoux non réglé. La facture avoisinait cette fois-ci les 75 000 €. La plupart démontraient aisément n'avoir jamais mis de bijoux en vente.

L'accusation trouve dans une "affaire dans l'affaire" la confirmation des talents de faussaire prêtés à Bruno Herpin. La cour d'appel d'Aix-en-Provence avait relaxé celui-ci après un jugement le condamnant pour des faits de corruption de mineurs. Les juges aixois s'appuyaient sur une lettre de l'épouse du président de "La Perle rare", évoquant la manipulation de cinq mineurs pour obtenir d'eux des faux témoignages contre Bruno Herpin. L'arrêt de la cour évoque "un scénario imaginé de toutes pièces". Mais l'instruction a démontré que la prétendue lettre était un faux, les cinq jeunes victimes persistant dans leurs accusations.

Ils ont contesté avoir reçu la moindre instruction. Cela vaut à Bruno Herpin de comparaître également pour escroquerie au jugement. Depuis leur mise en examen, il y a neuf ans, Bruno Herpin et son épouse maintiennent qu'ils font l'objet d'un complot ourdi par une seule commerçante mécontente qui "s'est mis dans la tête de rechercher à travers toute la France l'ensemble de (leurs) clients pour les regrouper contre nous". Ils devraient défendre l'idée qu'on a artificiellement transformé l'exécution d'un contrat en un délit.

Luc Leroux

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