mardi 16 mars 2010

Presse - Actu04 - le 16/03/2010

Le profil de l’escroc se dessine à l’encre indélébile

Le procès en correctionnel de Bruno Herpin, 61 ans, et Mélanie Lempereur, 29 ans s’est poursuivi hier avec le témoignage des parties civiles. Unanimement, les commerçants ont relaté le même scénario : Herpin, sa femme ou sa démarcheuse entrait dans leur magasin environ une demi-heure avant la fermeture, muni d’un sac à dos contenant un lot de bijoux fantaisies. Après une brève lecture du contrat, l’inventaire des pièces et la mise en confiance qui exonérait le commerçant du moindre risque, le prospecteur obtenait la signature du client sur la fiche d’inventaire, parfois sur le contrat. « Il a argué de difficultés financières et nous a sollicité de l’aide dans son travail artisanal », se souvient Fabienne, commerçante à Saint-Paul-Trois-Châteaux (26). Quant à cette coiffeuse de Guillestre, elle ne s’est pas méfiée mais, dit-elle à la barre du tribunal, « la quantité m’a fait peur lors de l’inventaire : je ne voulais pas prendre le risque. Alors, la demoiselle m’a dit que c’était elle qui prenait le risque de me laisser des bijoux d’autant de valeur contre une seule signature. Et j’ai signé. »A Tarar (69), cette commerçante de prêt à porter a flanché devant « cette jeune fille qui m’a dit : je débute dans la profession, il faut m’aider ». Tous ont rencontré les mêmes difficultés lorsqu’ils ont voulu restituer les stocks dans les délais prescrits par le contrat : Herpin faisait traîner la situation en longueur jusqu’à l’expiration du délai puis assignait ses clients en justice pour obtenir le recouvrement.
Jusqu’en 2001, les sommes en jeu avoisinaient les 30 000 francs de l’époque. Mais 2001 marque un tournant : Herpin qui connaît des difficultés financières est placé en redressement judiciaire puis interdit d’exercer l’activité de déposant. La machine s’enraye, Herpin a besoin d’argent. C’est alors que se met en place une stratégie d’ampleur quasi industrielle. Les dépôts convoités sont désormais de l’ordre de 155 000 à 427 000 francs. Le mode opératoire change : les clients ne sont plus démarchés mais reçoivent directement une facture sans avoir reçu de stock. L’un d’eux raconte avoir reçu une jeune fille se présentant comme chômeuse en fin de droit qui, devant justifier sa recherche d’emploi demandait humblement un tampon et une signature sur une feuille Assedic… Dès l’instant où le commerçant avait apposé son seing, le piège était refermé.

L’attitude mordante de la part du créancier s’est manifestée lorsque l’un des commerçants abusés a décidé de vendre son fonds de commerce : ce couple de retraité d’un dépôt de presse témoigne à la barre : « Nous avons voulu prendre notre retraite en 2004 et nous avons donc procédé à la cession de notre fonds de commerce au mois de novembre. Deux mois plus tard, nous avons appris qu’il y avait une opposition à la cession du fonds à hauteur de 78 000 euros. » L’information leur a révélé qu’ils étaient détenteurs d’un stock de bijoux et de douze sculptures de buste d’une valeur de 12 000 francs chacune. Les documents fournis par Herpin durant l’instruction contiennent la signature de l’épouse retraitée déclarée fausse par le rapport d’expertise. Qui plus est le tampon piraté était une empreinte de 2003 apposée sur des documents datés de 2001. Depuis cinq ans, la somme de 78 000 euros, fruit du travail de ce couple qui espérait profiter de leur retraite, reste désespérément bloquée.

L’étau se resserre peu à peu. Cependant, en l’absence de comptabilité, le juge Brunet déplore l’absence de tout document d’analyse de la situation économique du prévenu. « Sur 5000 pièces du dossier, aucune ne permet de mesurer l’activité de Herpin ! » lâche-t-il. « Il y a un expert comptable à Mane qui est en charge de toute la comptabilité, rétorque l’avocate de la défense. J’ai appris ça tout à l’heure. » Stupéfaction générale : en neuf ans d’instruction, pas l’ombre d’un bilan n’a pu être saisi. Aujourd’hui, dernier jour du procès sera celui des plaidoiries des avocats et des réquisitions du Procureur. Herpin encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende.

Anita Canto

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