lundi 15 mars 2010

Presse - Actu04 - le 15/03/2010

Il aurait escroqué ses clients avec un contrat conforme

Depuis ce lundi et jusqu’à mercredi soir, le tribunal correctionnel de Digne les Bains doit juger une affaire d’escroquerie dont la prescription couvre ces dix dernières années, depuis 1999 exactement. A la barre, deux prévenus doivent répondre, pour l’un, d’escroquerie, de tentative d’escroquerie ainsi que de tentative d’escroquerie au jugement selon neuf préventions détaillées. L’autre, une jeune femme d’une trentaine d’année voit son implication réduite à la co-action. Or, trois personnes sont impliquées dans cette affaire. Le dossier de l’ex-épouse du prévenu a été disjoint sur décision du tribunal peu avant le début de l’audience : la prévenue n’a pas reçu sa citation à comparaître dans les temps impartis et nécessaires pour constituer sa défense. Elle sera donc recitée plus tard. A noter, les multiples juridictions saisies sur tout le territoire national s’étaient dessaisies de l’affaire au profit de la correctionnelle dignoise afin de ne produire qu’un seul jugement…
Dès l’amorce des débats, magistrats, avocats et partie civile ont été stupéfaits de l’assurance du prévenu. Sans émotion, serein, l’homme répond clairement et sans détours aux interrogations du président Brunet. L’homme n’esquive pas le débat, il est convaincu de son bon droit. Il doit pourtant répondre de ces multiples chefs de prévention, en l’espèce d’avoir confié des bijoux en dépôt-vente chez des commerçants au moyen d’un contrat de dépôt. La logique commerciale à travers les termes du contrat a retenu l’attention du tribunal tout au long de cette première journée d’audience. Un seul feuillet mentionne les conditions du confié : le dépôt des bijoux et le règlement chaque mois des pièces vendues pour lesquelles le commerçant est libre d’apposer sa marge. Au terme de six mois d’invendus le stock confié est facturé dans sa totalité au commerçant dépositaire.

Le prévenu est artiste et confectionne lui-même ces bijoux fantaisies. Il les vend par l’intermédiaire du numéro de siret de son épouse déclarée artisan au registre des métiers. Le démarchage est l’apanage d’une jeune fille, alors âgée de 18 ans au début de la prescription.

Durant les six mois d’exécution du contrat, certains commerçants ont vendu des bijoux, d’autres non. Ces derniers ont alors tenté de reprendre contact avec l’artisan par téléphone, bloqué en permanence sur la messagerie, ou par courriers simples et recommandés qui leur étaient retournés. Silence radio. Ainsi, 83 lettres et colis ont été refusés entre janvier et juillet 2001. Au terme de six mois sans vente, l’artisan dépêchait alors l’arsenal du recouvrement et, a pu obtenir gain de cause par 46 arrêts de cour d’appel, notamment.

Pourtant, le prévenu atteste avoir entretenu une correspondance régulière avec ses clients au moyen de fax. Les victimes s’en défendent comme le gérant de la Maison des artisans d’art du Morbihan qui témoigne avoir reçu un fax vierge sans explication postérieure. Les télécopies expédiées aux dépositaires ont fait l’objet d’une expertise qui a révélée une forte proportion de « montages par collages ». Le juge Brunet interroge : « Un faux-semblant de vérité peut-il être qualifié de mensonge ? » D’autres parties civiles ont produit des documents au cours de l’instruction dont l’historique ne figure pas dans le relevé du télécopieur. Pendant l’audience, le prévenu n’hésite pas à produire de « nouvelles pièces ». Vérifiées pendant la suspension d’audience, elles seront restituées à leur propriétaire, sans commentaire.

Le couple vivait à l’époque à Mane dans une somptueuse bâtisse de style Le Corbusier, plantée au milieu de 28 hectares de terrains où étaient aménagés une quinzaines de box occupés par des chevaux. Sans oublier les chevaux à moteur que l’artiste affectionnait particulièrement et qui répondait aux doux noms de Porsche ou Ferrari. Bien que l’artisanat soit la première entreprise de France, le juge Brunet peine à croire que ce business a pu, à lui seul, propulser ses instigateurs à un tel niveau d’opulence. A la lecture des comptes, une ligne d’écriture perturbe le tribunal : un dépôt de chèque de 600 000 francs retirés en espèce au rythme moyen de 36000 francs par semaine. La question du président est sans détour : « D’où provient cet argent ? » Pour la première fois depuis le début de l’audience, le prévenu élude la question montrant quelque réticence à aborder le sujet. Il fini par lâcher : « Je monte aussi des bagues en or serties de diamant et d’émeraude à 200 000 francs pièce ». La quantité de métaux saisie à son domicile à toujours fait apparaître dans la procédure l’exploitation du marché des bijoux précieux, ce que l’homme ne contredit pas. Puis ajoute : « J’ai monté une pierre qui provenait de la lune », d’un air plutôt satisfait. A aucun moment le tribunal n’a remis en question sa qualité d’artiste et son talent de créateur. Pour autant, la vente de quelques pièces uniques suffit-elle à élever le train de vie du couple à cette échelle ? Le tribunal entretient ses doutes. Ce mardi, l’audience doit se poursuivre avec le témoignage des parties civiles.

Anita Canto

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