mardi 16 mars 2010

Presse - La Provence - 16/03/2010

Devant le tribunal de Digne, Bruno Herpin conteste être un escroc

Ses premiers mots en garde à vue, il y a neuf ans, avaient été : "Je suis un artiste." Et c'est à un véritable one-man-show que Bruno Herpin, 61 ans, se livre depuis hier devant le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains, qui le juge pour une escroquerie à grande échelle.

Ses habits de scène judiciaire, un bonnet de laine bleue sur une boule à zéro et des lunettes noires pour échapper aux photographes, en font un Elton John des alpages? Une trentaine des cent cinquante commerçants parties civiles a fait le déplacement.

Tous avaient, entre 1999 et 2001, signé avec Bruno Herpin ou son épouse Michèle -le cas de celle-ci a été disjoint car l'huissier a oublié de lui délivrer sa citation à comparaître- un contrat de dépôt-vente de bijoux fantaisie. Un seul feuillet stipulant que les lots restaient la propriété des Herpin mais, sans paiement ou sans restitution au bout de six mois, la marchandise devenait la propriété du commerçant, aussitôt destinataire d'un commandement à payer 30000 francs.

Dans la foulée, le commerçant était assigné devant le tribunal. "Est-ce qu'une loi interdit une telle chose ? Non, y en a pas !", assure Bruno Herpin. La preuve : son mode de commercialisation aurait fonctionné à merveille avec des tas de commerçants qui n'y avaient rien trouvé à redire. Dommage que dans les montagnes de paperasses qu'il brasse à la barre, il ne trouve plus trace de ces contrats qui enchantaient tout le monde.

Si la caractérisation de l'escroquerie sera pénalement délicate, les documents qu'il a fournis aux tribunaux dans les procédures engagées contre les commerçants ressemblent fort à des faux. Jean-Paul tient une Maison de l'artisanat dans le Morbihan, il est tombé "dans le traquenard", fin 1999.

Devant le tribunal de commerce de Vannes, Herpin avait fourni des preuves de l'envoi de deux lettres recommandées et d'un fax. Mais avec cet artiste, même le cachet de La Poste ne fait plus foi. Quant aux fax, des "montages", ont tranché les experts.

Au même titre que les listings de téléphone apparemment bidouillés pour attester l'existence de relances auprès des commerçants, alors que la ruse visait justement à se faire le plus discret possible durant six mois. Mais c'est la personnalité de cet artisan qui intrigue le président Thierry Brunet, habile pour feindre de transformer une audience correctionnelle en "dîner de cons".

Mais, à finaud, finaud et demi. Bruno Herpin ne veut rien lâcher sur son énigmatique carrière artistique, à part la difficulté de soumettre ses modèles à un chaud et froid de plâtre pour les statues ou le montage d'un caillou de Lune en pendentif.

Il en dit encore moins sur sa fortune d'hier : plus de 100000 euros retirés en liquide dans les mois précédant sa mise en examen, des Porsche et Ferrari, un domaine construit par Le Corbusier à Mane, près de Forcalquier : vingt-huit hectares, 560 m² habitables, 48 fenêtres? "Tout a été contrôlé fiscalement, je n'ai à justifier ni la provenance, ni l'utilisation. S'il y avait quelque chose à cacher, j'essaierai d'inventer une histoire." Et là, on le croit? Le tribunal continue aujourd'hui l'examen d'autres délits nourris de faux présumés, notamment des escroqueries au jugement.

Luc LEROUX (lleroux@laprovence-presse.fr)

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